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Démontrant à suffisance qu’un artiste est aussi un philosophe de la société, un très célèbre chanteur congolais rapportait, dans l’une de ses chansons, un dicton très instructif soulignant que « celui qui sait n’a pas tort, celui qui dit qu’il ne sait pas n’a tort, a tort celui qui dit qu’il sait alors qu’il ne sait rien ». Ancien lieutenant de Martin Luther King, l’homme d’Etat américain André Young avait dit qu’un leader est cet individu qui ne perd jamais la direction du Nord au moment où tout le monde s’en écarte.
Tout en félicitant autrefois, à l’instar de tant d’autres patriotes congolais, nos vaillants soldats des FARDC pour leur bon comportement face aux rebelles du M23 à Kibumba, Rusthuru, Rumagabo etc., dans le Nord-Kivu, notre modeste personne avait également saisi cette opportunité pour solliciter l’attention aussi bien des autorités du pays que des acteurs de la société civile et d’autres élites congolaises sur ce fait que l’euphorie de cette « victoire » de l’Armée nationale sur les combattants du M23 ne devait pas occulter la très triste réalité que les FARDC, avec leurs 100.000 hommes, avaient très curieusement été tenues en échec, dans quelques collines du Kivu, pendant plus d’une année, par une centaine de rebelles au point de n’être à mesure de relever la tête qu’à la faveur de l’engament de la direction politique du M23 de se départir de la logique militaire au profit d’un règlement politique de la crise que préconisait la communauté internationale d’une part ; et de l’autre, de l’intervention musclée des 3.000 hommes de la Brigade internationale de la MONUSCO.
Autant une réelle remontée en puissance des FARDC aurait été un motif valable de satisfaction et de fierté nationale pour tout digne fils et fille du Congo, autant l’actuelle manie de présenter de pires contreperformances de l’armée nationale comme des exploits militaires serait la meilleure façon de creuser la tombe de la jeune nation congolaise. C’est dans ce sens que notre modeste personne s’était fait autrefois le devoir patriotique de solliciter l’attention des élites congolaises sur le fait que, en tant que des leaders, ils devaient s’abstenir de faire accompagner cette euphorie généralisée consécutive à la « défaite » des M23 par une saine autocritique sensée épargner au pays une répétition des déboires militaires aussi humiliants que tout le monde s’évertuait, dans une dynamique nationale d’hypocrisie, à présenter comme des exploits militaires indiquant un retour en forces de l’armée congolaise.
Mais hélas, des gouvernants congolais, en commençant par les membres du Haut-Commandement des FARDC, s’étaient plutôt complus à procéder à une hyper-médiatisation, à la manière des stars de la musique, des points de presse dont transpirait une très symptomatique autosatisfaction de nature à faire retourner dans leurs tombes les défunts généraux Ikuku, Mahele, Mbunza Mabe et autres qui ne comprendraient certainement pas comment le fait de déloger de leurs positions des rebelles, par définition tactiquement amovibles, devait constituer un acte militaire extraordinaire. En Lingala, on dirait: « azwaka te, azwi », c’est un peu du genre « un très mauvais chasseur qui parvient à capturer un rat, et qui s’emploie à faire montrer à tout le monde son exploit ».
En effet, au lieu de tirer des leçons de ces déboires des FARDC face aux M23 à Goma en conviant de nombreuses sommités de l’art de la guerre dont regorge la RDC à une objective évaluation des causes profondes de l’actuelle totale déliquescence de l’Armée congolaise et de préconiser à l’intention du Commandant Suprême des approches de sa structurelle réhabilitation, les gens se sont plutôt contentés de présenter malignement aux profanes de notoires déficits militaires comme des performances annonciatrices d’une réhabilitation de des FARDC.
C’est à la fois triste et incroyable qu’une ancienne puissance militaire africaine soit descendue aussi bas. Nous avons toujours dit que l’incompétence avait ses limites. Ayant été dernièrement de nouveau mises en déroute par un petit groupe de rebelles de l’ADF/NALU vers Beni, de pauvres éléments des FARDC, pourtant de vaillants soldats dépourvus malheureusement d’un Haut-Commandement adéquat, nous savons de quoi nous parlons, devaient encore avoir besoin des Casques bleus de la MONUSCO pour se ressaisir dans leur débandade abusivement présentée, une fois de plus, comme un « retrait stratégique » : une exception tactique devenue une règle d’or pour l’armée congolaise.
La vérité étant têtue, un lourd détachement des troupes supposées être d'élites de l'armée nationale bien équipé d’armes sophistiquées et d’engins blindés, en charge de la protection militaire de la Cité de la RTNC à Kinshasa, ne put mieux faire, ce lundi 30 octobre 2013, que de procéder très ridiculement à un « retrait stratégique » face à un tout petit groupe de quelques vingt assaillants sous armés. Selon les témoignages faits en direct sur les antennes de la télévision nationale par des journalistes qui étaient quelques instants plus tôt des otages des assaillants : c’était à peine quelques individus, armés seulement de gourdins et poignards, qui avaient réussi à déloger des installations de la RTNC tout un détachement des FARDC et à occuper par la suite ces lieux très stratégiques pendant trois heures. Une des journalistes interviewés avait même précisé qu’elle avait vu un des assaillants ramasser par terre une arme (jetée par un élément des FARDC en fuite) qu’il ne savait pas lui-même utiliser.
Une question est alors de savoir, si vingt braves civils simplement munis d’armes blanches étaient capables de faire diluer dans la nature tout un détachement de l’armée nationale, pourtant équipé d’engins lourds de combat, au point d’occuper pendant plus de trois heures un des points les plus sensibles de la sécurité nationale que sont les installations de la RTNC, que se serait-il alors passé si les quelques bonshommes en question étaient de véritables commandos- rangers bien formés en guérilla urbaine?
C’est la question que tout Congolais, gouvernant ou simple citoyen, devait se poser en ce jour. Le Prof. Paul Claval disait que « le langage de la force étant le plus prédominant en relations internationales, la paix n’est que le résultat de l’effet dissuasif que l’armée d’un pays exerce sur ses potentiels agresseurs ». Ainsi dit, point n’est plus besoin de relever ici que ce n’est pas en montrant constamment à ses voisins qu’une vingtaine d’individus sous-armés était capable de mettre en débandade tout un détachement militaire bien équipé d’engins blindés que la RDC cessera d’être la cible privilégiée des agressions internes et externes de tout genre.
Nous pensons qu’il est grand temps que certains membres du Gouvernement et du Haut-Commandement des FARDC se départissent de la logique de la fabulation et d’une hypocrisie collective, dont le seule mérite est la pérennisation de l’actuelle médiocratie qui tue l'armée congolaise, afin que les responsables militaires actuels du pays se remettent en question et se soumettent à une véritable autocritique sensée permettre une pratique de la méritocratie sans laquelle il serait tout simplement utopique de parler d’une réhabilitation des FARDC. Le grand problème pour l'armée congolaise est qu’un tout petit groupe d’officiers, assez peu méritants, est celui qui monopolise malheureusement la confiance du pouvoir en place, profitant ainsi de cette situation pour écarter constamment de la gestion des FARDC des cadres bien formés, loyaux et compétents. A notre humble avis, c’est ce nivellement par le bas des FARDC qui justifie essentiellement toutes ces contreperformances militaires très préjudiciables à la sécurité nationale qu’elles accusent présentement.
Faustin LOKASOLA N’KOY BOSENGE
Expert en questions de paix et sécurité
Coordonnateur de la NPDAC/ONG
Membres des réseaux ASSN, CESA et SADSEM
Doctorant en management de la paix, défense et sécurité
E-mail : fstnbsng99@gmail.com